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Recyclage en France : ambitions et réalité

Chaque année, le 18 mars, la Journée mondiale du recyclage est l’occasion de sensibiliser à la gestion des déchets et à l’importance de l’économie circulaire. Depuis 1994, cette journée vise à promouvoir les bonnes pratiques et encourager les États, les entreprises et les citoyens à améliorer leurs taux de recyclage.

A noter que la problématique du recyclage s’insère dans la norme ISO 26000 à travers plusieurs de ses principes et domaines d’action clés. Le recyclage relève directement de l’utilisation durable des ressources, l’un des enjeux majeurs identifiés dans le domaine 6 de la norme traitant de la responsabilité environnementale. Il croise également plusieurs autres thématiques de la norme, telles que la gouvernance, le droit des parties prenantes et la loyauté des pratiques. 

En France, des objectifs ambitieux ont été fixés en matière de recyclage, notamment avec la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) et le programme France 2030. Mais où en sommes-nous réellement ? Cet article propose d’analyser les avancées et les écarts entre les ambitions nationales et la situation actuelle du recyclage.

Loi AGEC et France 2030 : Des engagements forts pour une économie circulaire

Loi AGEC : Transformer notre modèle de production et de consommation

Adoptée en 2020, la loi AGEC vise à faire évoluer notre modèle économique linéaire basé sur le schéma « produire, consommer, jeter » vers une véritable économie circulaire. Pour cela, plusieurs axes majeurs ont été définis. L’un des principaux objectifs concerne la suppression progressive des plastiques à usage unique d’ici 2040, avec des interdictions progressives sur les plastiques non recyclables comme les pailles, couverts et contenants jetables.

L’information des consommateurs est également un enjeu clé. L’affichage environnemental devient obligatoire afin de renseigner sur l’impact écologique des produits, tandis que le logo Triman doit être utilisé pour faciliter le tri des déchets. En parallèle, la loi encourage le réemploi en développant les consignes de réutilisation et en interdisant la destruction des invendus dans certains secteurs comme le textile et l’électronique.

Enfin, les producteurs sont mis face à leurs responsabilités avec l’extension des filières de Responsabilité Élargie du Producteur (REP), qui les obligent à financer la gestion des déchets qu’ils génèrent. L’objectif ambitieux de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025 s’inscrit pleinement dans cette dynamique.

France 2030 : Accélérer l’innovation dans le recyclage

Lancé en 2021, le programme France 2030 a pour ambition de soutenir tout le cycle de vie de l’innovation, de la recherche fondamentale jusqu’à l’industrialisation. Doté d’un budget de 54 milliards d’euros sur 5 ans, France 2030 consacre près de 700 millions d’euros à la filière du recyclage afin de renforcer l’économie circulaire et réduire la dépendance aux ressources primaires. Les ambitions sont variées et couvrent plusieurs secteurs clés.

Dans le domaine des plastiques, l’objectif est de produire deux millions de tonnes de matières plastiques recyclées par an d’ici 2025 et de développer une filière nationale pour le recyclage des plastiques composites. Pour le textile, le volume des textiles recyclés devra être multiplié par quatre d’ici 2025. Concernant les métaux stratégiques, la priorité est de recycler l’intégralité des batteries de véhicules électriques d’ici 2030. Enfin, en matière de papier et de carton, la France ambitionne de réduire l’excédent à recycler de 25 % d’ici 2025 et de 50 % d’ici 2030.

En parallèle, France 2030 soutient l’innovation et la recherche pour améliorer le tri et le recyclage, notamment en développant des produits plus facilement recyclables et en modernisant les infrastructures de collecte.

Où en est réellement le recyclage en France ?

Malgré ces engagements, la réalité du recyclage en France révèle des avancées contrastées. Dans le domaine des plastiques, le taux de recyclage atteignait seulement 27% en 2023, bien en deçà de l’objectif européen de 55 % pour 2025. Les obstacles sont nombreux, notamment la complexité du tri, le mélange des matériaux dans les produits et le coût élevé du plastique recyclé par rapport aux matières vierges.

Pour les déchets ménagers, la France recycle seulement 42 % de ses déchets, loin des 55% initialement prévus pour 2020 et des 65 % visés en 2025. Le pays se situe sous la moyenne européenne de 49 % et accuse un retard significatif par rapport à l’Allemagne, leader du recyclage avec un taux de 67 %. L’un des enjeux majeurs pour la France est la gestion des biodéchets, qui représentent près d’un tiers des déchets ménagers. À ce jour, seulement 10 % de la population française bénéficie d’un service de collecte séparé, contre 60 % en Allemagne.

La filière textile est également en difficulté. Sur les 715 000 tonnes de vêtements mises sur le marché chaque année, moins d’une sur dix est recyclée, et une infime partie en France. L’essor de la fast fashion a entraîné une augmentation des quantités de textiles à recycler, saturant les capacités de traitement. De plus, la qualité des matériaux s’est dégradée, compliquant encore davantage leur valorisation.

D’autres filières montrent de meilleures performances, à l’image du verre (86 % de recyclage) et de l’acier (86 %), tandis que l’aluminium accuse un retard avec seulement 37 % des déchets recyclés.

Les obstacles à la réalisation des objectifs de recyclage 

Malgré des ambitions fortes, plusieurs freins limitent l’atteinte des objectifs fixés. Tout d’abord, les infrastructures de collecte et de tri restent insuffisantes. Si environ 35 millions de Français ont accès à un tri élargi, des disparités persistent, notamment en zone urbaine. Par ailleurs, les installations actuelles ne permettent pas toujours de traiter efficacement certains matériaux complexes comme les plastiques composites ou les déchets issus du bâtiment.

Les défis économiques constituent un autre frein majeur. Le coût des matières premières recyclées est souvent plus élevé que celui des matières vierges, ce qui limite leur adoption par les industriels. De plus, l’absence d’incitations financières et la fluctuation des prix des matériaux recyclés freinent le développement d’un véritable marché du recyclage.

Le manque de sensibilisation et d’éducation des consommateurs est également un enjeu clé. Beaucoup ne connaissent pas précisément les consignes de tri ou doutent de l’efficacité du recyclage, ce qui réduit leur engagement. De plus, les emballages ne portent pas toujours d’indications claires sur leur recyclabilité, compliquant encore davantage le tri des déchets.

Enfin, les limites technologiques restent un défi de taille. Certains matériaux, comme le polystyrène ou le PET opaque, sont encore difficiles à recycler de manière efficace. De même, les déchets du secteur du bâtiment, qui représentent 46 millions de tonnes par an, posent des problèmes de valorisation en raison de leur diversité et des limites actuelles des filières existantes.

L’atteinte des objectifs de recyclage en France nécessitera donc des investissements massifs, une modernisation des infrastructures, ainsi qu’une meilleure sensibilisation des consommateurs et des industriels.

Conclusion : Accélérer le passage de la théorie à la pratique

Si la France a fixé des objectifs ambitieux en matière de recyclage, la réalité montre que les défis restent nombreux. La loi AGEC et le programme France 2030 ont posé des bases solides pour transformer notre modèle économique vers une économie circulaire, mais les avancées sont inégales selon les secteurs.

Les infrastructures de tri et de recyclage doivent être modernisées pour améliorer les taux de valorisation des déchets, notamment dans des filières en difficulté comme le plastique et le textile. L’innovation technologique et le soutien à la recherche seront des leviers clés pour optimiser les processus et rendre les matériaux recyclés plus compétitifs face aux matières vierges.

Par ailleurs, la sensibilisation des citoyens et des entreprises est un enjeu majeur. Le tri des déchets, bien qu’en progression, souffre encore d’un manque de clarté dans les consignes et d’une participation insuffisante. La généralisation de la collecte des biodéchets et l’amélioration des systèmes de REP pourraient permettre de combler une partie du retard observé.

Enfin, pour rivaliser avec les pays européens les plus performants, la France devra renforcer ses incitations économiques en faveur des matériaux recyclés et encourager les industriels à intégrer davantage de matières recyclées dans leurs chaînes de production. Sans des mesures concrètes et un engagement accru de tous les acteurs, les ambitions de recyclage risquent de rester de simples intentions.

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